René d’Anjou, surnommé le « Bon Roi René », était roi de Naples, duc d’Anjou et de Lorraine, mais aussi un passionné de culture et de chevalerie. Son Livre des tournois n’est pas seulement un traité pratique : c’est une œuvre de célébration nostalgique, qui immortalise un monde en train de disparaître. Chaque tournoi y est codifié, de l’envoi du défi jusqu’à la remise des prix, en passant par toutes les étapes intermédiaires.
Appelant et défendant : le duel codifié
Le tournoi imaginé par René oppose deux seigneurs fictifs : le duc de Bretagne, appelé appelant, et le duc de Bourbon, le défendant. L’appelant lance le défi, et le défendant l’accepte. Ce schéma souligne que le tournoi n’est pas seulement un affrontement physique : c’est un rituel social, où l’honneur et la loyauté sont au cœur de l’événement.

Le déroulement du tournoi
Le tournoi selon René se déroule en plusieurs étapes, toutes soigneusement codifiées :
- Le défi : un héraut porte une épée symbolique au seigneur adverse. Si celui-ci accepte, le tournoi est confirmé.
- Les juges-diseurs : quatre seigneurs supervisent l’événement pour garantir le respect des règles et de l’honneur.
- L’entrée en ville : les chevaliers arrivent dans un ordre précis, suivi des juges. Ceux-ci logent dans un cloître où sont exposés les emblèmes et les bannières.
- Le bal d’ouverture : chevaliers et dames se retrouvent pour célébrer l’événement et la courtoisie.
- Présentation des armes et des blasons : les bannières et timbres de casque sont examinés par les dames, qui peuvent sanctionner symboliquement tout manquement à l’honneur.
- Le serment dans les lices : tous les participants jurent de respecter les règles. Un chevalier d’honneur est élu pour intervenir si les combats deviennent trop violents.
- Le tournoi proprement dit : les chevaliers s’affrontent selon les codes d’honneur, dans un ordre précis.
- La remise des prix : le soir, une dame et deux demoiselles choisies par les juges remettent les prix aux vainqueurs.
Ces étapes montrent que le tournoi devient une véritable liturgie sociale, où chaque geste et chaque assaut a un sens symbolique.






Les miniatures de Barthélemy d’Eyck
Le manuscrit est illustré par Barthélemy d’Eyck, peintre et enlumineur renommé. Ses miniatures montrent avec précision les scènes d’armement, les cortèges, les combats et les cérémonies. La finesse du détail et l’usage subtil des couleurs rendent le manuscrit exceptionnel, à la fois d’un point de vue historique et artistique.
Une œuvre qui dépasse le simple manuel
Le Livre des tournois ne se limite pas à un guide technique. René d’Anjou élève le tournoi au rang de cérémonie symbolique. Courtoisie, bravoure, loyauté et panache sont magnifiés. À travers son texte et ses images, il immortalise un idéal chevaleresque que l’histoire commence déjà à reléguer aux légendes.
René d’Anjou et l’évolution des livres de tournois
Cinquante ans plus tard, l’empereur Maximilien Ier commandera le Livre du tournoi Freydal (1512‑1515). Ce manuscrit, plus somptueux et spectaculaire, célèbre les tournois comme un moyen de glorification impériale. À la différence du Livre des tournois, Freydal met l’accent sur le faste et le prestige personnel, tandis que René d’Anjou codifie un idéal chevaleresque rigoureux et cérémoniel.
Pourquoi lire le Livre des tournois aujourd’hui ?
Le manuscrit de René d’Anjou reste un témoignage unique de la chevalerie tardive. Il offre un aperçu vivant de rituels, de codes sociaux et de valeurs qui structuraient la vie chevaleresque. Pour les passionnés d’histoire et de chevalerie, il permet de comprendre comment la bravoure et l’honneur étaient célébrés dans un monde en mutation.
En résumé, le Livre des tournois est bien plus qu’un traité : c’est un monument de la culture chevaleresque, qui allie texte et image pour immortaliser un idéal en voie de disparition. René d’Anjou y fige l’esprit de la chevalerie avec élégance, rigueur et magnificence, offrant un modèle qui continue de fasciner les historiens, les amateurs d’art et tous ceux qui rêvent encore des grands tournois médiévaux.

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